Disparition du Cabinet des bains à l'Hôtel Lambert
Le célébrissime Cabinet des Bains abrité par l'Hôtel Lambert vient tout juste de disparaître. Celui-ci a en effet été totalement ravagé, début juillet, lors d’un violent incendie.
Ce chef d'oeuvre, emblème du patrimoine décoratif français pour son plafond richement décoré, a été peint à la fin du 17e siècle par Eustache Le Sueur.
Le Sueur, considéré par beaucoup comme le « Raphaël français », a exécuté son oeuvre une dizaine d'années après l'achèvement de la construction de l'hôtel Lambert par Louis Le Vau. Cet architecte phare du 17e siècle est aussi connu pour avoir participé à la construction des châteaux de Versailles et de Vaux Le Vicomte.
Sous le toit terrasse, face à la Seine, le cabinet des bains est une pièce de petite dimension et basse de plafond. Situé au-dessus de la chambre des Muses, le Cabinet des bains est muni d'une cheminée et éclairée d'une seule fenêtre donnant sur le jardin. C'est là où logeait Voltaire lorsqu'il y séjournait. Les murs de la pièce étaient alors tendus d'une tapisserie de cuir doré ornée de branches de corail peintes. Celle-ci s'accordait alors avec l'univers aquatique qui était le sujet de la voûte peinte par Le Sueur.
Le plafond supporte une fausse voûte de plâtre directement portée par la charpente de la toiture. Ceci expliquant que le cabinet a été entièrement détruit par l'incendie. La structure feinte par le décor peint était celle d'une voussure de pierre, ornée de moulurations et de sculptures, ouvrant sur le ciel.
Le tout était fermé d'une grille de fer forgé doré autour de laquelle s'enroulaient des branches de jasmin en fleurs. Sur les quatre côtés, animés de bas-reliefs et flanqués de cariatides, on pouvait admirer des scènes mythologiques liées à l'élément aquatique, représentant le triomphe de Neptune. D'autres scènes représentaient Diane et les nymphes au bain surprises par Actéon ou Diane se baignant dans une rivière et découvrant la grossesse de Callisto.
Au-devant des voussures en grisaille, les figures et ornements sont peints au naturel. Les dieux des fleuves et des rivières sont couchés sur la corniche. Disposés par paires aux quatre coins de la voûte, des coquillages et des branches de corail rouge, très réalistes, sont portés par des putti. Par ailleurs, des guirlandes de fleurs sont suspendues entre les cariatides et les mascarons. Autour du thème aquatique, l'harmonie entre les sujets mythologiques et les formes reprises de la statuaire antique, produit selon une composition très élaborée, reposant sur l'équilibre de la sculpture feinte et de peinture au naturel. Par son élégance, le raffinement de son exécution et la subtilité de son coloris, ce décor était un des plus remarquables témoins de "l'atticisme" français du milieu du 17e siècle.
Adoptée dans les palais royaux, la mode des Cabinet des bains apparaissait alors tout juste dans des intérieurs de particuliers. Cette pièce richement décorée et équipée d'une cuve sur pieds était elle aussi l'objet de toutes les attentions.
Le cabinet des bains est la dernière oeuvre de Le Sueur à l'hôtel Lambert et probablement l’une des dernières de sa vie. C’est aussi l’une des rares peintures à être restée dans son intégrité à l'hôtel Lambert. Louis XVI, ébloui par la qualité de ces oeuvres, en avait déjà récupéré pour sa galerie d'art du Louvre à la fin du 18e. Le transport de la voûte du cabinet des bains avait aussi été envisagé avant d’être abandonné face à la complexité de l’opération.
L’hôtel de Lambert, qui avait été classé monument historique dès 1862, faisait l’objet d’une vaste campagne de restauration après son rachat par le Qatar. Cette restauration, bien que placée sous l’égide de nombreux architectes de renommés, avait déclenchée de nombreuses critiques. Quelle tournure prendra la polémique dans les jours à venir ? Quoiqu’il en soit, il est aujourd’hui trop tôt pour savoir si quelques fragments du plafond peint pourront être récupérés dans les décombres et restaurés.