Château de la Mignarde, Aix-en-Provence

« Il y eut cercle, bals, amusements de toute espèce. Le prince (Camille Borghèse, époux de Pauline Bonaparte) vint y passer quelques jours. Sous le rapport intellectuel, c’était un homme fort ordinaire… On ne prenait pas garde à lui, tous les hommages allaient à la princesse. Il en était vexé : on voyait le sang Borghèse se révolter en secret contre la suprématie du sang Bonaparte, exercée par une femme. Il eut un jour un accès de jalousie et il y avait de quoi, j’en fus témoin avec le général Cervoni.

Celui-ci ne se gênait pas avec le prince, le plaisantait sur sa susceptibilité pour un accident si commun et lui récitait à ce sujet des vers italiens. Le prince dit que sa femme était bien heureuse d’être la sœur de l’empereur ; que sans cela il lui donnerait une correction dont elle se souviendrait. Cela se passait à 6 heures du matin dans le jardin où nous prenions le frais sous les fenêtres de la princesse qu’il supposait être dans d’autres bras que ceux de Morphée. »

Les bras étaient en fait ceux d’Auguste de Forbin, chambellan et amant en titre de Pauline Bonaparte. La scène, racontée dans ses « Mémoires » par Thibaudeau, préfet des Bouches-du-Rhône, se passait dans le château de la Mignarde durant l’été 1807. Pauline était venue en Provence faire une cure à Gréoux. Elle s’était invitée au château propriété de Jean-Baptiste Rey, commissaire ordonnateur des armées de l’Empereur. Elle devait y revenir en 1813 en moins tendre compagnie, surveillant à distance les travaux qu’elle faisait exécuter dans ses résidences parisiennes. Elle écrivait : «  J’aurais bien du plaisir à être enfin chez moi et à y trouver tout ce qui me fera plaisir… Je veux que tout soit d’une propreté charmante… » mais la princesse voulait aussi payer le moins cher possible : « On parle maintenant de 100 000 francs comme de 10 000. J’ai donc réduit le tout à ce qui m’a paru convenable et raisonnable. » Le même esprit d’économie dicta le choix du cadeau qu’elle avait l’intention de faire à ses hôtes pour les remercier de l’accueil qu’ils lui avaient réservé cinq semaines durant. Elle songea tout d’abord à un châle en cachemire de cinquante à soixante louis qui aurait de « l’apparence » et le fit chercher à Paris. « Il ne faut pas l’acheter, dictait-elle, mais il faut en donner les détails que son altesse se décide. » Mais son Altesse ne se décida pas et finalement jugea très suffisant le don de son buste en plâtre…

L’origine du château est incertaine. Il date très probablement de la seconde moitié du 17e siècle. Il fut acquis au 18e par Gabriel Mignard « confiseur ordinaire » du Duc de Villars gouverneur de Provence. Ce n’était alors qu’une simple bastide rurale. Son fils Sauveur Mignard y fit de 1760 à 1780 des travaux considérables. Il décora les intérieurs, agrandit le parc et y amena les eaux. Ces embellissements auraient dit-on été conduits par l’architecte Claude-Nicolas Ledoux. Sauveur se ruina dans l’entreprise et dut vendre la demeure en en 1789 à un certain Second. C’est là que Pascalis, animateur de la contre-révolution provençale fut arrêté le 12 octobre 1790 pour être trainé à Aix-en-Provence et pendu par les patriotes sur le cours Mirabeau. La Mignarde devait être acquise en 1804 par Jean-Baptiste Rey. Le domaine passa en 1858 à monsieur Rigaud, premier président de la cour d’appel d’Aix –en-Provence, député et maire de la ville sous le Second Empire. Il y meure en 1890, le 19 mars. En 1969, la propriété est au centre du site inscrit intitulé la « vallée des Pinchinats ». La bastide de la Mignarde, ainsi le parc attenant incluant la serre, l'orangerie et le système hydraulique font l'objet d'un classement au titre des monuments historiques La ferme et de son chai ne sont pas concernés par le classement en question. Le château appartient désormais à Madame Sechiari, fondatrice de l'Association des bastides et des jardins de Provence et du Sud-est.