Le Palais de l’Elysée, histoire et décorum
Au début du XVIIe siècle, l’actuel faubourg Saint-Honoré était une plaine traversée de pâturages et de cultures maraîchères. Entre la grande rue du faubourg Saint-Honoré, simple chaussée menant au village du Roule, et le Grand Cours (devenu depuis avenue des Champs Elysées), l’architecte Armand-Claude Mollet possédait un terrain qu’il vendit en 1718 à Henri–Louis de la Tour d’Auvergne, comte d’Evreux. Le contrat de vente prévoyait que l’architecte Mollet serait chargé d’y construire un hôtel destiné à la résidence du comte d’Evreux. Les travaux de construction, commencés en 1718, s’achevèrent en 1722. Ce palais reste l’un des meilleurs exemples du modèle d’architecture classique. On y retrouve en effet un vestibule d’entrée, situé dans l’axe de la cour d’honneur et des jardins, un corps de logis double en profondeur ainsi qu’un grand appartement ou appartement de parade situé au rez-de-chaussée du corps principal, destiné aux réceptions, partagé en son milieu par un grand salon ouvert sur le jardin. Les appartements de « société », destinés à recevoir la famille et les proches, sont situés à chaque extrémité du corps de logis principal. Une vaste cour arrondie s’ouvrait alors par un portail monumental à 4 colonnes de style ionique. Celle-ci était bordée de deux murs, avec arcades, dissimulant les communs. Un jardin à la française, avec son allée centrale dans l’axe de l’hôtel, ses parterres et ses allées complétaient l’hôtel. Cette ordonnancement des lieux permettra toutes les adaptations souhaitaient par les propriétaires successifs. D’importantes modifications seront réalisées selon la destination des lieux, successivement hôtel particulier, demeure princière ou palais présidentiel. La décoration des salons de réception, bien que modifiée au cours des siècles a conservé l’essentiel de son aspect originel. Arrêtons-nous sur quelques unes des pièces les plus emblématiques du lieu.
Salon d’argent
Situé dans l’aile Est, le salon d’argent fait partie de l’espace affecté aux appartements de réception. Son décor initial a été créé pour Caroline Murat, épouse du prince Joachim Murat et sœur de Napoléon Ier. L’Empereur des Français y signera d’ailleurs son acte d’abdication le 22 juin 1815 après la défaite de Waterloo. Louis-Napoléon Bonaparte y prépara son coup d’Etat du 2 décembre 1851 alors que le président de la République Félix Faure y recevra sa maîtresse Marguerite Steinheil, juste avant de mourir en février 1899. Les boiseries et le mobilier ont été conçus par l’ébéniste Jacob Desmalter au XVIIIe siècle. Ce salon doit son nom à la couleur argentée de ses décors dorés à l’or blanc : lambris, méridiennes, chaises-lyres et fauteuils–gondoles sculptés de cygnes. Les bronzes argentés sont l’œuvre du maître fondeur André-Antoine Ravrio.
Salle à manger Paulin
Installée à l’emplacement de l’ancienne chambre de napoléon III, cette salle à manger en a gardé les proportions. Elle est le seul témoin encore existant de la vague de modernisme et d’aménagements intérieurs initiés par le Président Georges Pompidou et son épouse en 1972. Située dans la partie privée, cette pièce a été rebaptisée salle à manger Paulin, du nom du célèbre designer et décorateur Pierre Paulin à l’origine du mobilier contemporain qui la décore. L’ensemble est installé dans une structure murale démontable composée de 22 éléments en polyester moulé qui accueille dans sa partie supérieure un lustre constitué de 9 000 tiges et billes de verre placées devant un plafond réflecteur en aluminium. Par ailleurs, le designer Paulin a choisi de placer au centre de la pièce une table ronde de 12 couverts à plateau de verre fumé sur un piètement en aluminium coulé recouvert par projection d’une matière plastique qui servit notamment à la fabrication des cabines des vaisseaux spatiaux Apollo.
Salon des Fougères
Il s’agit de l’une des pièces constituant l’ancien appartement de Caroline Murat. Le salon de Fougères tient son nom des motifs décoratifs retenus pour le tissu tendu. Au dessus de la console, à noter que trône un portrait du roi Louis XV, peint par Louis Michel Van Loo au XVIIIe siècle. Les trois autres toiles présentent dans le salon des Fougères sont l’oeuvre d’Hubert Robert.
La salle des Fêtes
La salle des fêtes fut construite sur les plans de l’architecte Eugène Debressenne. L’ensemble fut inaugurée le 10 mai 1889 par le président Sadi Carnot à l’occasion de l’Exposition universelle organisée à Paris cette même année. Elle prête son décor fastueux à la plupart des cérémonies officielles telles que les réceptions, remises de décoration et cérémonie d’investiture de chaque Président de la République nouvellement élu. Les coupoles aplaties du plafond reçurent en 1896 des panneaux peints par Guillaume Dubufe, « La République sauvegarde de la Paix », encadrée par 2 allégories l’Art et la Science. 6 tapisseries des Gobelins, tissées au XVIIIe siècle, y ont été placées afin de parachever le décor. A noter qu’en 1984, le Président Mitterrand fit percer 10 portes-fenêtres dans les murs permettant ainsi d’amener plus de lumière dans un décor intérieur ou prédomine l’or et le rouge.
Le jardin d’Hiver
Construit en 1881, le jardin d’Hiver se présentait sous la forme d’une galerie vitrée à ossature métallique et arbitrait des plantes vertes exubérantes et des murs habillaient de treillage. Aujourd’hui, seul le toit vitré et les orangers provenant du domaine national de Versailles, qui y sont parfois disposés, rappellent l’ancienne affectation des lieux. Le fond est entièrement habillé d’une tapisserie de la tenture des chambres du Vatican d’après Raphaël tissée aux Gobelins entre 1736 et 38. La pièce est éclairée par 3 lustres de cristal datant de la fin du XIXe siècle, similaires à ceux de la salle des Fêtes et du salon Napoléon III. Le concept décoratif est ainsi prolongé. Constituant un prolongement de la salle des Fêtes, le jardin d’Hiver est utilisé lors des réceptions officielles. Il a fait l’objet d’une réfection générale à l’occasion de deux campagnes de travaux distinctes confiées à un architecte en 1976 par le Président d’Estaing puis en 1984 par le Président Mitterrand.
Salon Cléopâtre
Depuis la présidence de Marie-François Sadi Carnot, la tapisserie des Gobelins « Rencontre d’Antoine et de Cléopâtre à Tarse », tissée d’après Natoire, a pris place dans ce salon et lui a donné son nom. L’essentiel du décor des portes a été dessiné au XVIIIe siècle par l’architecte Etienne-Louis Boullée. Le mobilier est essentiellement d’époque Louis XVI. Seul le lustre est d’époque Empire. A droite de la cheminée à noter que figure le portrait de Marie-Amélie de Parme, archiduchesse d’Autriche, peint par Alexandre Roslin. Entre les deux fenêtres, on aperçoit l’ancien petit appartement du comte d’Evreux, aujourd’hui affecté à l’usage privé du Président de la République.