L'hôtel de Beauharnais, 78 rue de Lille 75007 Paris
Martiale et romantique fut la Prusse, avant de s’abandonner en 1870 à l’étreinte avec l’Allemagne. Au jeune royaume né de son sein, elle léguait ses ambassades.
La Prusse, désormais allemande, possédait à Paris avec l'hôtel de Beauharnais un joyau inestimable. Frédéric-Guillaume II avait particulièrement apprécié ce palais qui lui avait été confié lors de son séjour dans la capitale en 1814.
Après la bataille de Waterloo et la saisie des biens de la famille de l’Empereur, il avait souhaité y séjourner à nouveau et l’avait alors officiellement loué pour sa légation. Le 6 février 1818, le roi de Prusse brisa sa cassette personnelle pour acquérir le palais du prince Eugène de Beauharnais. Il permit ainsi à la légation prussienne de s’implanter de façon définitive en bordure de Seine.
La résidence de l’ambassadeur d’Allemagne est un véritable joyau décoratif. Tout y est harmonie, splendeur et raffinement. L’Impératrice Joséphine et sa fille Hortense en avaient été les inspiratrices. L’essentiel de leur intervention consista à mettre au goût du jour l’œuvre de l’architecte Boffrand. A l’étage, le salon des Quatre saisons, le salon de musique, les chambres et les boudoirs illustrent un style Empire, encore emprunt des arts décoratifs du 18e siècle.
Si l’authenticité du décor est préservée, la présence allemande est cependant manifeste. Le bureau dit de Bismarck évoque en effet la figure emblématique de l’unité allemande et la mémoire de celui qui fut ambassadeur de Prusse à Paris en 1862. Dans le salon rose, les portraits de Wagner et de Cosima rappellent qu’à l’invitation de la comtesse Albert de Pourtalès, le compositeur vient s’y reposer après la représentation du « Tannhäuser » au cours de l’été 1861.
A noter que Joséphine de Beauharnais a fait le choix d’adjoindre, sur la façade principale côté cour, un portique égyptien de l’architecte Germain Boffrand rappelant que le prince Eugène participa à la campagne d’Egypte.
Autre particularité des lieux, attenante au salon de musique ainsi qu’au boudoir turc, la salle de bains du prince Eugène. L’ensemble décoratif surprend. La décoration de la pièce est en effet fortement marquée par un pavement de marbres polychromes aux motifs aquatiques sur le thème de l’enlèvement d’Europe, des jeux de miroirs et de fines colonnes. En homme de goût, le prince aimait à se détendre dans sa baignoire de zinc aux robinets à cols de cygne.
Intime et élégant, le boudoir à la turque est décoré de frises de turquerie aux scènes de marchés d’esclaves, de harems et de hammams, mises à la mode sous le Directoire par le fameux ambassadeur oriental Esseid Ali Effendi.