Château d’Ansouis, Vaucluse
Le château d’Ansouis est une forteresse édifiée au Xe siècle sur un piton rocheux dominant la ville d’Ansouis et la vallée d’Aigues. Elle est alors la propriété de la famille de Forcalquier avant de devenir celle de Sabran au XIIIe siècle.
Le marié, Elzéar de Sabran, n’avait que quatorze ans lorsqu’il fit son entré solennelle à Ansouis, en 1299, en compagnie de sa jeune femme, Dauphine de Signes, de deux ans son ainée. Ils avaient été mariés le jour même sur l’ordre du roi Charles II d’Anjou, mais Elzéar ignorait que sa jeune épouse s’était vouée à Dieu. Lorsque le soir venu, elle le lui apprit et lui demanda de respecter son vœu de virginité. Elzéar accepta cette requête sans toutefois se lier par un engagement définitif auquel il ne souscrira que plus tard.
Pendant plusieurs années, les jeunes époux firent d’Ansouis leur demeure habituelle. C’est là qu’Elzéar, veillant au bonheur de ses paysans, fonda une sorte de crédit rural où les cultivateurs sans ressource pouvaient se procurer des semences tandis que sa femme consacrait sa vie aux bonnes oeuvres.
Au décès de son père, Elzéar lui succéda dans les importantes charges de grand justicier du royaume de Sicile et de ministre de la Guerre du Roi de Naples. C’est dans l’exercice de cette fonction qu’il combattit victorieusement Henri VII d’Allemagne qui avait mis le siège devant Rome. Devenue veuve en 1323, Dauphine, après avoir distribué tous ses biens, se retira d’abord à Cabrières d’Aigues d’où, disait-elle, elle pouvait voir « son cher Ansouis », puis à Apt où elle vécut de la charité publique jusqu’à l’âge de soixante-dix-sept ans. En 1360, elle eut la joie, quelques mois avant sa mort, d’assister à l’ouverture du procès de canonisation de son époux, lequel avait été de son vivant l’auteur de nombreux miracles. Dauphine devait être elle même béatifiée par la suite. Le château d’Ansouis apparaît déjà dans une charte de Bozon, comte souverain de Provence, datée de 960. Il était alors la propriété des comtes souverain de Forcalquier ; la dernière comtesse souveraine, Garsende, apporta le fief à Raymond de Sabran lors de leur mariage en 1160 : leur fille, également prénommée Garsende, épousa en 1193 Alphonse II, comte de Provence, et fut la grand-mère de Marguerite, Eléonore, Sancie et Béatrix de Provence, qui toutes quatre, furent reines, ayant épousé Saint Louis, Henri III Plantagenêt, roi d’Angleterre, Richard de Cornouailles, empereur germanique et roi des Romains, et Charles 1er Roi de Naples.
Les Sabran conservèrent Ansouis, où subsistent encore des vestiges important dont notamment le donjon primitif du Xe siècle. Mais la forteresse dans son ensemble fut remaniée aux XIIe, XIIIe et XVe siècles. Elle souffrit des guerres de Religion. Le corps de bâtiment sud fut réédifié à la fin du XVIe siècle. Le château accueillit au début du XVIIIe la comtesse de Sabran, maitresse du Régent, dont saint-Simon affirme : « il n’y avait de plus beau qu’elle, de plus touchant, de plus grand air et du plus noble… » Elle ne manquait d’ailleurs ni d’esprit ni d’audace : C’est elle, ajoute le Duc, qui, soupant avec M. le duc d’Orléans et ses roués, lui dit fort plaisamment que les princes et les laquais avaient été faits de la même pâte que Dieu avait dans la création séparée de celle dont il avait tiré tous les autres hommes. » Une autre comtesse de Sabran fut l’héroïne d’un des plus touchants romans d’amour de la fin du XVIIIe siècle. Veuve à 21 ans en 1774 de l’amiral de Sabran qui avait cinquante ans de plus qu’elle elle rencontra en 1777 après trois ans de solitude le Chevalier de Boufflers connu notamment pour être l’auteur d’écrits scabreux. Mme de Sabran tomba éperdument amoureuse du Chevalier de Boufflers. Hélas le Chevalier de Boufflers était Chevalier de Malte, riche de ses seuls bénéfices ecclésiastiques, qu’il aurait perdus en se mariant. Par ailleurs, sa carrière militaire entrainait de nombreuses et longues séparations d’où une abondante correspondance. Soumise et sage, elle écrivait sans une pointe de regret : « la meilleure manière de te conserver est de te donner la clé des champs. » Après 20 ans de cette liaison atypique Boufflers régularisa la situation en épousant madame de Sabran. Son cousin le comte de Sabran, lieutenant général des armées du roi en Provence sous la Restauration, fût fait en 1825 duc et pair. En 1828, Charles X autorisa la substitution du duché aux neveux de la duchesse de Sabran, Marc-Edouard et Léonide de Pontevès-Bargème.
Le site est classé monument historique par arrêté du 10 mai 1948 à la demande de la propriétaire de l’époque la duchesse de Sabran-Pontevès. A la suite d’un différent familiale la propriété est mise en vente en 2007. Le couturier Pierre Cardin se déclare alors intéressé. La forteresse est cependant définitivement acquise par l’actuel propriétaire au cours d’une seconde enchère en 2008.
La forteresse d’Ansouis, ouverte à la visite, domine des terrasses successives plantées de marronniers et de buis. Sa façade du XVIe siècle se caractérise par une succession de fenêtres percées à intervalle régulier et surmontées de frontons brisés. A l’intérieur, les murs de pierres nues des vestibules ne font que mieux ressortir la rigueur géométrique du dallage de marbre noir et blanc. Un somptueux miroir italien apporte ici la note baroque de ses panaches de bois doré. Les panoplies d’armes anciennes, donnent à cette belle ordonnance le caractère savoureusement désuet d’une décoration de grandes demeures seigneuriales d’époque Second Empire.
Les tapisseries des Flandres tendues aux murs de la salle à manger, représentant l’histoire de Didon et Enée, ont au début du XVIIe siècle recouvert des fresques du XVe jugées alors démodées. Selon l’usage de l’époque elles remplissent complètement les panneaux, de la cimaise à la corniche. Deux cabinets Louis XIII, une vaste table et des chaises Louis XIV de style provençal complètent ce décor dans lequel l’éclat du lustre de cuivre, les bois sombres et luisants, le carrelage de tomettes rouge, le vert et l’or éteint des tapisserie s’unissent harmonieusement.
Plus loin, des gypseries d’un rocaille très italianisant couvrent les murs et la corniche du boudoir et se détachent en blanc sur un fond vert amande. Ces gypseries représentent les quatre saisons. Le grand miroir de bois doré, les lustres de cristal disposés en enfilade confèrent à cette petite pièce intime une allure parfaitement théâtrale qui surprend toujours les visiteurs.