Le château de Lourmarin, Vaucluse

Le château Renaissance de Lourmarin surplombe le village du même nom. Restauré dans les années 1920, il abrite désormais une fondation culturelle. Celle-ci propose tout au long de l’année de nombreuses manifestations ouvertes au grand public (« La grande fête Renaissance », un festival de musique Pop et Rock au printemps ou un festival de musique classique en été).

C’est l’occasion pour les visiteurs d’apprécier la singularité du château de Lourmarin. Disposées avec un sens étonnant des volumes, les diverses parties de l’édifice (tour ronde, carrée et corps de bâtiment principal) forment en effet une composition d’une grande pureté. Les fenêtres à meneaux, les pilastres qui les encadrent, les moulures qui soulignent les étages accentuent l’impression de rigueur géométrique. A côté de ce château neuf, élevé en 1540 et qui conserve encore un caractère défensif, le visiteur aperçoit sur la droite la tour crénelée du château vieux dont la construction s’étagea de 1495 à 1525.

Dans la tour carrée du château neuf, le grand escalier à vis déroule sa spirale autour d’une double gorge centrale. Son exécution témoigne d’une science architecturale consommée. En effet une même dalle constitue la marche, le noyau central et le mur de la tour. Il s’achève en une fine colonnette qui soutient une coupole de pierres.

A noter en outre que des galeries courent le long de la façade sur cour du château vieux. Celle du premier étage repose sur des arcades de pierres, celle du second est construite en bois. Adaptées au chaud climat méditerranéen, elles dispensent ombre et fraicheur en même temps qu’elles assurent une communication indépendante entre les diverses pièces.

Le château de Lourmarin est le fruit d’une longue succession d’évènements glorieux et tragiques. « On voyait les petits enfants mourant de faim auprès des mamelles de leurs mères qui étaient mortes et ne fut jamais vu une telle cruauté et tyrannie. Tout a été pillé, brûlé et saccagé. » Ces scènes d’horreur se renouvelaient dans tout le Luberon, durant l’atroce répression dirigée contre les vaudois, en 1545, par Jean de Maynier, baron d’Oppède, premier président au parlement d’Aix et nommé en 1544 lieutenant général de Provence. Les seigneurs locaux, ceux de Cental et de Lourmarin, avaient en effet fait venir du piémont des colonies de vaudois pour travailler leurs terres ruinées par les guerres incessantes. Les vaudois, travailleurs, sobres, sérieux, avaient fait merveille, mais refusaient opiniâtrement d’abandonner leur hérésie, ne reconnaissant pour source de foi que l’Ancien Testament, rejetant la messe, la confession et le culte des saints. Ils étaient, depuis le XIIe siècle, impitoyablement poursuivis par l’église catholique et le pouvoir. Leur union en 1532 avec la Réforme ne fit qu’aggraver les persécutions. Le roi François 1er, par un édit de 1540, ordonna la conversion en masse des hérétiques et la destruction de Mérindol, leur centre en Provence. En 1545, il confiait à l’Oppède le soin d’exécuter, sans pitié, ses ordres.

Le lieutenant général se surpassa. A son zèle religieux s’ajoutait, au dire des contemporains, le souci de «  carrer son pré » en mettant la main sur les terres vaudoises qui entouraient son domaine d’Oppède. « Il a fait mourir de faim en sa citerne cinq ou six pauvres paysans, ses sujets, auxquels il a fait croire qu’ils étaient luthériens et vaudois afin d’avoir leurs biens et héritages, qu’il a pris en main pour augmenter sa seigneurie, qui était avant peu de chose. » Des villages entiers sont brûlés, leurs habitants passés au fil de l’épée ou condamnés aux galères, les femmes violées et éventrées. Ceux qui arrivent à s’échapper meurent de faim dans les bois ou sont dévorés par les loups. Défense est faite à quiconque de venir en aide aux malheureux, sous peine de prison et de confiscation.

Le château de Lourmarin résista cependant aux attaques des tortionnaires grâce à ses solides murailles. Lorsque d’Oppède (que le pape Paul III avait nommé comte palatin en récompense de ses hauts faits) dut comparaitre en 1551 devant le parlement de Paris ameuté par l’opinion publique, Blanche de Lévis, dame de Lourmarin, fut des premières à exposer les horreurs qu’il avait perpétrées et à prendre la défense des paysans. D’Oppède s’en tira néanmoins sans condamnation.

De la forteresse primitive qui remontait sans doute aux XIIe et XIIIe siècles, il ne subsiste pratiquement rien. Le château vieux, tel qu’il se présente aujourd’hui, a été élevé de 1495 à 1525 par Foulque d’Agoult, baron de Sault et de Forcalquier, chef d’une ancienne et puissante famille provençale. Puis le domaine passa à François d’Agoult, fils de Louis et de Blanche de Lévis, page du roi François 1er. Sa mère fit construire pour lui le bâtiment Renaissance accolé au château vieux, en 1540 comme l’atteste un cartouche gravé dans le grand escalier. François d’Agoult fut nommé en 1561 gouverneur de Lyon et sa seigneurie de Lourmarin érigée en baronnie.

Dès la fin du XVIe siècle, les d’Agoult cessèrent d’habiter le château, préférant leurs résidences de Paris, de Sault et de la Tour d’Aigues. Lourmarin passa par alliance, au milieu du XVIIe siècle, aux Lesdiguières, puis aux Villeroy et fut acquis au XVIIIe siècle par les Bruni, barons de La Tour d’Aigues. Sous la Révolution, François de Girard, père de Philippe de Girard, l’inventeur de la machine à filer le lin, en devint propriétaire. Après la ruine de cette famille, le château changea souvent de mains et allait être livré à la pioche des démolisseurs lorsqu’en 1920 il trouva en la personne de Monsieur Laurent-Vibert l’amateur éclairé susceptible de s’y intéresser et de le restaurer. En 1929, il légua le château, ses meubles et sa riche bibliothèque à l’académie des sciences, agriculture et belles-lettres d’Aix-en-Provence.

Il est désormais ouvert toute l’année à la visite. Si la décoration intérieure est peu connue, le mobilier ayant disparu, l’architecture d’intérieur intéressera les amateurs d’art.