Château de Suze-la-Rousse, Drôme
Le château de Suze-la-Rousse est une forteresse médiévale du XIe siècle et une demeure seigneuriale renaissance du XVIe siècle. Situé à Suze-la-Rousse, dans la Drôme, cet édifice est classé aux monuments historiques depuis 1964. Vendu aux enchères en 1965 au Conseil général du département celui-ci entreprend dans la foulée de le restaurer. En 1978 l’université du vin s’installe au second étage du château ainsi que dans les anciennes écuries. Le jardin abrite quant à lui une roseraie. Une collection ampélographique de 70 cépages français et étrangers est implantée dans le parc boisé sur 23 hectares. Le Conseil général de la Drôme organise chaque année, dans la cour d’honneur, de nombreux concerts de musique classique et spectacles de cirque afin de redonner vie aux lieux.
Apaisante de sa précision d’épure, la façade sur la cour intérieure offre une ordonnance d’une pureté tout classique. Elevé de 1543 à 1551, elle comprend au dessus d’une galerie à arcades ornée de larges pilastres toscans, deux étages de fenêtres à meneaux, séparées au premier par des pilastres ioniques au second par des colonnes corinthiennes engagées ; des écussons interrompant la corniche qui sépare les deux étages, tempèrent la rigueur du dessin. Les salles donnant sur la cour ont conservées leurs plafonds décorés à la française et leurs volets intérieurs indépendants.
« Allons, la Grise, allons mourir à Suze » murmura, s’adressant à sa jument, François de la Baume-Suze, mortellement blessé, en 1587, au siège de Montélimar. Et la tradition veut qu’en effet il ait succombé avec son fidèle coursier au pied des murs du château ; ainsi disparaissait un des plus vaillants défenseurs de la cause catholique, qui , au dire de César de Nostredam, « ne connut onc la peur ». Gouverneur de Provence, commandant des troupes pontificales et amiral du Levant, célèbre à l’époque sous le nom de comte de Suze, il s’opposa de toute ses forces aux entreprises du grand chef de la Réforme dans le midi, le sinistre Baron des Adrets. Une légende locale prétend que ce dernier aurait proposé au comte de Suze de « venir se battre avec ses amis, trois contre trois ».
Suze refusa d’exposer ses compagnons, mais releva le défi et accepta un combat singulier. Bientôt des Adrets est terrassé, à la merci de son adversaire qui lui pose l’épée sur la gorge et l’interroge : « que ferais-tu, baron, si tu m’avais mis dans l’état où te voilà ? Je t’achèverais, répondit le baron. Apprends, répliqua alors le compte, que jamais je n’ai tué et ne tuerai jamais un ennemi à terre. » Légende sans doute… Mais n’est-ce pas le fait des héros de les faire naître dans l’imagination populaire ? Au temps de Charlemagne, Suze appartenant à Guillaume « au court nez », prince d’Orange. Tiburge, dernière héritière des princes d’Orange, fit, en 1173, à la mort de son père, passer la principauté et ses dépendances à Bertrand des Baux, son époux deouis 1125.
La partie la plus ancienne du Château, le donjon, aujourd’hui en partie englobé dans des constructions postérieures, avait été élevée au XIIe siècle. Par la suite, le domaine se transmit par les femmes : Marguerite des Baux, dite la Rousse, qui sans doute donna son nom à la ville, l’apportât en dot à Hugues de Saluces, puis leur fille le transmit, lors de son mariage en 1426, à Louis de la Baume. Entre-temps, au XIIIe siècle, l’édifice avait été agrandi. Bertrand de la Baume-Suze poursuivit l’entreprise de 1440 à 1451, tandis que Rostaing de la Baume-Suze faisait, de 1543 à 1556, élever les bâtiments de la cour d’honneur.
Les travaux étaient terminés lorsque Catherine de Médicis passa quelques jours au château en septembre 1564, avec Charles IX, le duc d’Anjou, futur Henri III, la future reine Margot, le connétable de montmorency, les cardinaux de Bourbon, de Guise et de Joyeuse. Le roi et la reine mère furent parrain et marraine d’un des enfants de François de la Baume qui donna à cette occasion une fête magnifique où fut servie « une fort belle collation de toutes sortes de confitures ». Catherine de Médicis devait à nouveau s’arrêter à Suze en 1579.
Au XVIIIe siècle, Louis-Charles de la Baume-Suze épousa Olympe-Emilie de Suffren, sœur du bailli qui, vers la fin de sa vie, séjourna à plusieurs reprises au château. Louis-Charles devait s’attirer une célébrité plus douteuse à l’occasion d’un retentissant procès qui l’opposa à Mlle Bon, chanteuse de l’opéra. Cette dernière lui réclamait en effet, en 1772, le paiement d’une obligation de 50 000 livres qu’il avait, sans doute dans un moment d’égarement, signé en sa faveur.
Le fils de Louis-Charles et d’Olympe-Emilie de Suffren étant mort à 19 ans en 1797, le château passa à sa sœur, la marquise des Isnards, dont la descendance le conserva jusqu’à la mort de la comtesse de Bryas en 1958, sans qu’il ait jamais été vendu depuis le XIIe siècle.
Concernant la décoration intérieure du bâtiment principal, le grand escalier à double révolution déploie majestueusement ses balustres de pierre, scandés de vases Médicis et de statues dans des niches. Il a remplacé à la Restauration un escalier de marbre du XVIIIe siècle dont la rambarde en fer forgé richement ornementée avait disparu à la Révolution.
La voûte s’ouvre au centre sur une galerie qui dessert le second étage. De robustes acanthes largement modelées dans le stuc s’enroulent au plafond du petit salon XVIIe siècle. Une guirlande de feuillages, des bouquets, de fruits et des palmes complètent ce décor baroque où figurent les armes de Louis-François de La Baume.
